• Extraits : "Un jour, j'ai pas dormi de la nuit" de Marlène Tissot

     

    Avec Un jour, j'ai pas dormi de la nuitMarlène Tissot signe le vingtième titre paraissant à la Boucherie littéraire et le onzième dans la collection Sur le billot.

    Ce recueil rassemble des poèmes sur le thème de l'insomnie dont vous trouverez ci-après les trois poèmes entiers dont une strophe de chacun d'eux a été emprunté pour le 4ème de couverture.

     

    "Un jour, j'ai pas dormi de la nuit" de Marlène Tissot en souscription

    Le cancer de l’amour propre


    Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
    la couverture valsait et l’hiver hésitait à venir
    j’aurais pu dégivrer mon frigo
    digérer les paroles
    cuver le trop plein de venin
    comme n’importe quelle éternité, l’enfer se mérite


    Je suis mal répartie
    question de dosage des ingrédients
    trop de ceci, pas assez de cela
    on fait avec, on fait sans blanc
    j’accuse le coup
    j’accuse tous les coups, c’est permis !
    il faut bien trouver des coupables


    Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
    il était temps d’expérimenter de nouvelles insomnies
    passer en revue les maladies
    au commencement, j’ai eu le cancer de l’amour propre
    une ablation de l’ego, c’est pas mortel
    mais après ça penche un peu


    La géométrie, c’est du sérieux
    une hypoténuse sans angle droit, c’est juste un trait tiré
    je fais des math quand je m’ennuie
    mais, la nuit, je n’y arrive pas
    trop d’inconnues dans les équations
    si personne ne trouve la solution, je vais rester là
    coincée entre hier et demain

     

     

    J’auto-reverse les sentiments

    Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
    je cherchais la faille
    la fissure dans le murmure des étoiles
    on s’approche sans trembler des portes à franchir
    je me sentais plutôt bien
    comme une ombre à l’intérieur de l’ombre
    au bon endroit au bon moment


    Est-ce qu’on peut vivre la réalité en nomade ?
    à distance raisonnable ?
    communiquer avec des signaux de fumée ?
    la mort est tellement plus populaire que la vie
    comment t’expliques ça, toi ?


    Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
    j’imaginais écrire des poèmes en braille sur tes lèvres
    avec ma langue
    les temps sont durs pour les rêveurs
    surtout ceux qui restent éveillés
    prends soin du toit, c’est tout ce qu’il reste
    entre le ciel et nous


    J’auto-reverse les sentiments – face B, toi de dos
    et qui marche à l’envers ?
    qui de nous deux s’en va, au juste ?
    je pars pour mieux te laisser me quitter
    donner c’est donner, reprendre, c’est s’envoler

     

     

    Éluder le crépuscule 


    Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
    mon silence interrogeait les ombres
    quelqu’un sait où échouent les mots qu’on ne dit pas ?
    quelqu’un pourrait me donner
    le mode d’emploi de la sérénité ?
    une leçon de rattrapage
    des cours très particuliers


    Faut pas confondre l’ambivalence et la colère délavée
    avec la déception fugace de s’exprimer en espérant
    rester incompris


    Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
    les aiguilles continuaient de tourner
    j’éludais le crépuscule
    oui, bien sûr, il m’arrive de prendre part à la réalité
    je bois du thé dans un gobelet en carton
    je traverse la rue sans regarder
    je me laisse marcher sur les pieds


    Parfois, c’est pas le dérèglement climatique
    ni la crise économique
    c’est juste ta vulnérabilité qui déborde de l’armure

     

    "Un jour, j'ai pas dormi de la nuit" de Marlène Tissot en souscriptionMarlène Tissot naît un matin par erreur, s’excuse souvent, écrit des histoires, de la poésie jusque dans ses romans, fait des photos loin des clichés, bricole des objets, répare des machines à laver, cuit trop ses confitures, joue parfois avec le feu, n’aime pas tellement parler. Dans sa trousse à outils, les choses duquotidien sont ses crayons de couleur.