-
"Faut bien manger " d'Emanuel Campo : Extraits
Présentation du troisième titre à paru le vendredi 1er mars. Je vous invite ce jour à lire quelques extrait de Faut bien manger d'Emanuel Campo que vous retrouverez dans la collection Sur le billot.
La collection
Dans une boucherie, le billot est l’une des pièces maîtresses comme la feuille qui l’accompagne. Il allie fermeté, esthétique et caractère.
Si les éditions la Boucherie littéraire ne devaient avoir qu’une seule collection, ce serait Sur le billot.
Car, c’est le lieu où je me dois de mettre en valeur les écrits des auteurs. Là, où je pense que l’œuvre publiée s’inscrit dans un sillon inexploré ou peu visité de la poésie.
Sur le billot, on ne peut pas se défiler. J’y mets mes tripes et mon amour de la poésie pour la poésie.
À propos du recueil par Emanuel Campo
Faut bien manger est un recueil de textes traitant d'une forme de mal-être au travail. L'auteur est toujours en décalage. À chaque situation, il essaye de s'en sortir ou d'expulser ce qu'il peut pour se sentir mieux, mais quoi qu'il fasse il est de nouveau happé par la pesanteur, l'absurdité et la folie du travail.
Extraits
Thierry J.
Dans le carré de sièges devant moi
quatre cadres
sûrement très dynamiques
discutent fort de l’ambiance dans la boîte.
Ils s’esclaffent
se moquent de leurs clients
commentent bruyamment le travail des équipes
répondent à leurs téléphones…
Apparemment
depuis le licenciement de Thierry J.
tout va pour le mieux.
Les chiffres sont bons
et personne ne craint pour sa place.
Ils devraient pourtant, craindre
pour leurs places.
Puisqu’à ce moment même
un wagon tout entier
agacé par leur tapage
fomente silencieusement un plan
pour venger Thierry J.Ce que j’entends
Que la ville c’est le travail
que le travail c’est la ville
que la ville soit tu l’aimes soit tu la quittes pas
qu’ici y a pas de métiers, y a que des emplois
que si t’as pas le projet, tu trouveras pas l’emploi.
Que derrière le périph’
y a les bornes en voiture pour acheter son pain
avec ou sans gluten
y a le désert culturel
qu’on peut se brosser pour se dire
« Tiens, j’irais bien voir un spectacle » ou
« J’irais bien rejoindre les copains dans le bar d’en bas »
qu’encore plus loin, il fait souvent noir, même la nuit.
C’est qu’on se posait la question de quitter la ville
pour s’installer plus près de la nature.
Depuis deux ans, j’ai d’étranges plaques sur la peau.
On pensait chacun se faire son espace.
L’atelier là, le studio ici,
la bibliothèque à gauche, le jardin
suspendu
enfin, le calme.
T’façon, plus personne ne nous rend visite
à l’improviste
et pour celles et ceux qui viennent,
pouvoir les accueillir sur un barbecue douillet de brochettes, de bière locale, de musique et de débats à quatre heures du mat’ sans risquer de croiser les flics au rond-point après le premier verre.
Alors on me raconte la peur du vide le manque d’aéroport et de filières d’études le coût de l’essence et les hivers froids l’entretien du réseau et celui du toit.
C’est vrai qu’en ville l’école n’est qu’à trois cents mètres et y a ce truc dans lequel j’me suis lancé avec Machin. Je peux pas le lâcher.
Alors on hésite.
Seuls mes potes chômeurs m’encouragent
on hésite toujours
mes ongles tentant de soulager cette rougeur à la peau.La carte
Vous avez la carte du magasin ?
« Ça dépend. Elle me permettrait de sortir en
douce par la porte de service ? »
Pas du tout.
« Alors non, je ne l’ai pas. »
De toute façon, elle ne vous aurait pas non plus aidé à
terminer ce poème me dit-elle en se retournant pour
arracher un sac en matière recyclée à 0,05 euros.Emanuel Campo
Né en 1983, prénom sans faute d’orthographe (a des origines). Poète revendiqué, slammeur repenti, rappeur récidiviste avec le groupe PapierBruit sous le pseudo Printemps 2004, agitateur de la compagnie Étrange Playground. Avec tout ça trouve encore le temps d’écrire*.
Données techniques
Format fermé : 110 mm x 170 mn.
Tirage est de 1000 ex
Pages : 58
L'impression numérique se fait sur papier Fedrigoni
Interieur en Arcoprint Edizioni en 115 g/m2, teinte Avorio.
Couverture en Old mill Bianco en 250 g/m2 pour la couverture.
Les livres sont imprimés en France par Yenooa dans les Bouches-du-Rhône.
*Biographie piquée sur le site Realpoetik.