Tous les ans au printemps, j’ai peur de mourir. Et je ne meurs pas. Je me noie dans une fatigue sans fond.
J’ai beau dormir, me retourner en long en large dans mon lit, le goût de vivre me résiste. Une mémoire obscure se glisse dans ma chambre d’ombre.
De la lumière tombe goutte à goutte sur la peau des vitres, friable comme le sourire de l’air. Il pleut du ciel quand le ciel se sent seul. La pluie fait de moi un esclave de la fenêtre.
|
|
|
Un matin, j’ai ouvert toutes les portes de la maison et j’ai invité le nuage le plus animal à entrer. Puis j’ai décroché ta petite robe noire de son cintre de bois clair dans l’armoire cirée où dorment encore toutes tes enveloppes.
|
J’ai entendu les autres fourreaux murmurer que j’étais un assassin de les priver de ta plus belle peau.
Un vent chargé de ton parfum a soufflé doucement à l’intérieur.
À l’intérieur du bois des meubles.
À l’intérieur du bois de mes mains.
|
|
|
Alors j’ai marché dans toutes les pièces de la maison comme au premier jour de notre rencontre en tenant ta petite robe noire par la taille.
J’ai souri au plafond, aux murs blancs qui portent encore la trace de toutes tes photos.
J’ai souri au miroir qui porte encore la trace de mes lèvres sur ton front.
|
Dans la chambre, j’ai déposé ton corps de soie nocturne entre les draps du lit ouvert. Je n’ai pas éteint au contraire, j’ai voulu voir fleurir sur ton col la fraîcheur de ton visage.
|
|
|
... |
Dominique Sampiero, né en 1954 dans l’Avesnois (Nord). Instituteur et directeur d’école maternelle, il quitte l’Éducation Nationale en septembre 1999, pour se consacrer entièrement à l’écriture. Poète, écrivain, scénariste, il anime également des ateliers de parole et de création.
Où vont les robes la nuit de Dominique Sampiero
paraît le 2 mars 2018 en librairie.