La Boucherie et ses "Carné" dans le "Libé" du lundi 17 décembreQuoique végétarien pratiquant, on salive tout à fait pour ce nouveau produit arrivé au rayon du boucher. Antoine Gallardo, le patron des éditions de la Boucherie littéraire (basées dans le Vaucluse), a imaginé un nouveau format très original de bouquin de poche. Il s’agit d’un objet hybride : à la fois carnet de notes (sur des feuilles blanches) et livre imprimé (sur des pages rouges) au milieu. «Ainsi, dans le steack de tous les jours, une poésie originale de vingt pages est prise en sandwich entre quarante pages vierges laissées à la création du lecteur. La chair restante présente l’auteur et son travail», explique Antoine Gallardo. 

Deux titres sont déjà parus dans cette collection «carné poétique»Notes de bois de Thomas Vinau et les Cent lignes à un amant de Laure Anders. Dans ce dernier livre, l’auteure bretonne énumère cent façons et/ou raisons d’embrasser un homme. En guise d’explication, elle écrit en exergue de son poème : «Il lui a dit : Tes baisers, tu m’en feras cent lignes. Voici ce qu’elle lui a répondu». Nous vous en proposons un extrait.


[…]

70. Je vous embrasse et j’en oublie la notion du temps. Les mots «demain, après, ensuite » ou bien « libre, engagée »

71. Je vous embrasse car je suis une salope égoïste

72. Je vous embrasse pourtant avec la candeur de celle qui croit que ça durera toujours, fillette

73. Je vous embrasse pendant qu’on se ment en buvant du vin doux, pour le plaisir d’être dupes

74. Je vous embrasse et vous me voulez à vos pieds quand je pense déjà à faire mes valises

75. Je vous embrasse et je rêve de vivre à vos pieds tandis que vous portez ma valise dans l’escalier

76. Je vous embrasse puisque, enfin, les choses sont claires et que nous n’avons pas d’avenir ensemble

77. Je vous embrasse, ce soir-là, depuis l’hôtel où j’ai rejoint l’homme qui m’aime

78. Je vous embrasse dans cette salle de bains où je photographie les traces de vos dents sur ma peau. De belles fleurs jaunes et violacées

79. Je vous embrasse en pensée, cherchant votre silhouette dans les rues de cette ville inconnue que je vais bientôt quitter

80. Je vous embrasse, épuisée, dans l’avion où je somnole et où j’ai envie d’ouvrir si grand mes cuisses pour m’offrir à vous

81. Je vous embrasse dans le bus, dans la gare, dans le train, dans le taxi, dans l’appartement aux volets fermés qui ressemble à un autre pays étranger

82. Je vous embrasse avec mes valises autour de moi et des souvenirs à n’en plus finir

[…]

Laure Anders, Cent lignes à un amant, la Boucherie littéraire, 10 euros.

Guillaume Lecaplain